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Collectissimo
23 mai 2006

Instruments de torture

Document non daté, composé et tiré pour L'Hostel des III Mailletz, 10 rue Saint Julien le Pauvre, avec des dessins à la plume de M. Nicolas, dans les Ateliers "GENESIA", 22 rue Madiraa, Courbevoie, Seine

(Texte réécrit en français actuel pour une meilleure lisibilité - Françoise)

L'hôtel et Auberge des Trois Maillets, maison historique bâtie au douzième siècle au coeur du quartier latin, en face de l'église Saint-Julien-le-Pauvre, fut, dès sa construction, une maison de premier ordre. Le cartulaire de l'université de Paris nous apprend qu'après chaque assemblée dans cette église, siège de l'Université, les Maîtres-Régents se rendaient à l'auberge des Maillets pour y manger et boire. Elle fut la demeure de personnages célèbres : Robert de Tuillière, examinateur au Chasteller, Guillaume de Champignolle, 1389, Jacques de Fontenay au 15ème siècle, Guillaume de la Ruelle, Jéhan le Tellier (fin 16ème siècle), Charles de Blois, écuyer du roi en 1760.

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Sous cet hôtel existent deux étages superposés de caveaux : le premier de style gothique date de la construction de l'immeuble (douzième siècle), le deuxième étage, de style roman, remonte au quatrième siècle, époque à laquelle Constance Chlore fit construire le Palais des Thermes (dont les ruines sont actuellement comprises dans le Musée de Cluny) avec ses immenses souterrains aboutissant aux berges de la Seine. Ces caveaux s'étendent sous l'ancienne demeure d'Isaac de Laftemas, Lieutenant-Général de Police sous Richelieu et firent vraisemblablement partie des célèbres cachots du Petit Châtelet. On ne pouvait trouver cadre mieux approprié pour présenter une collection d'instruments de torture tels que ceux employés depuis les débuts du Moyen-Age jusqu'à la Révolution.

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Avant la généralisation du droit romain en France, on avait recours à des épreuves barbares ainsi qu'à des combats judiciaires pour s'assurer de la culpabilité d'un accusé. De ces Ordalies, ou Jugement de Dieu, était exclue toute idée d'Instruction et l'équité cédait au hasard, à la force ou à la fraude : l'épreuve de l'eau consistait à précipiter l'accusé, pieds et poings liés, dans une rivière ; selon que le corps surnageait ou s'enfonçait, il était coupable ou innocent. L'épreuve de l'huile consistait pour être innocent à retirer le bras indemne d'une chaudière remplie d'huile bouillante. Le vainqueur d'un combat judiciaire (un duel) était déclaré innocent. Fait incroyable : les accusés pouvaient se faire remplacer ! Saint-Louis, en n'admettant plus que les preuves par témoins, donna ses premières bases à la justice, mais, pendant cinq siècles encore, elle fit de la cruauté son principal appui.

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Sous l'ancien droit, la Question ou Torture n'était pas admise en matière civile, mais elle était de règle dans l'enquête criminelle contre tout accusé de meurtre, incendie, viol, trahison, pillage, contrebande, etc. C'était le moyen dont se servaient les Juges pour faire avouer à un accusé un crime même supposé, pour arracher un témoignage, ou le nom d'un complice. La question faisant partie des actes de la procédure, un criminel, malgré ses aveux, devait subir la torture. La question était appliquée en présence d'un lieutenant-criminel, d'un autre juge et d'un greffier ; elle comportait trois interrogatoires : avant d'être lié, pendant les tourments et après la torture, sur le matelas où l'on plaçait le malheureux pour le faire revenir à lui. L'accusé subissait une première question, puis une seconde si le jugement le condamnait, pour lui faire révéler les noms de ses complices. Le greffier portait sur son procès verbal les moindres faits, jusqu'aux plaintes, cris, contorsions, défaillances des accusés.

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En 1670, une ordonnance rappela que la durée de la torture ne devait pas aller jusqu'à la mort, et on adjoignit au Tribunal un médecin ou un barbier chargé d'éviter que le patient ne rendit l'âme. En effet, des accusés mouraient au milieu des tourments ou en restaient estropiés : près de Lyon, l'un eu l'épaule gauche séparée du corps et des membres brisés ; un autre eut les jambes à tel point brûlées qu'il fallut les lui couper et, l'interrogatoire ne pouvant se poursuivre, il fut renvoyé et vécut ainsi pendant trente années. Un autre encore eut les doigts de pieds si cruellement brûlés qu'il s'en arracha les os avec des tenailles. Pour ce dernier, il n'existait aucune preuve absolue des accusations portées contre lui. Les tourments ne devaient pas dépasser une heure, mais cette prescription n'était pas observée : en 1757, Damiens demeura deux heures et quart à la torture ; à Rouen, la veuve Cornu la subit plus de huit heures, eut les pouces écrasés et ne put signer le procès-verbal.

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Jusqu'à la Révolution, le siège de la Justice Royale se tenait au Châtelet qui était la résidence du Prévôt. Il y eu en outre, dans tout le Royaume, jusqu'à treize Cours souveraines de Justice ou Parlements, qui avaient même autorité et mêmes attributions judiciaires que le Parlement de Paris.

Voici les procédés de torture et les appareils employés en France le plus fréquemment, expliqués et décrits brièvement car il est impossible de détailler en quelques pages tous les instruments qui, pour atteindre à peu près le même but légal, prenaient dans chaque Parlement des formes différentes et qui se modifiaient avec les époques. De la lecture des pages qui suivent, il faut donc retenir surtout ce qui était le mode légal de torture plutôt que la stricte description d'un appareil.

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L'extension fut certainement la torture la plus employée ; elle eut, comme toutes les autres, plusieurs appellations. Pour le supplice du Tour, à Lyon, on opérait ainsi : le patient, étendu à terre, était attaché par les mains à des anneaux fixés dans la muraille ; il était alors violemment tiré par les pieds, au moyen d'une corde enroulée sur un tourniquet jusqu'à dislocation des membres. Un barbier remettait les membres et l'accusé était interrogé ; selon ses réponses, les juges faisaient reprendre ou non la question. Dans toute la région de Nancy, l'extension par l'Echelle était particulièrement cruelle. L'accusé ayant les pieds fixés au dernier échelon d'une échelle et les mains attachées par une corde s'enroulant sur un tourniquet placé à l'autre extrémité de l'échelle, le corps était ainsi mis en extension, puis un trapèze en bois était placé entre son dos et les montants de l'échelle. Cette torture était parfois augmentée par l'ingestion forcée d'un certain nombre de pintes d'eau. Si les réponses du patient n'étaient pas satisfaisantes pour ses juges, le "tourmenteur" glissait sous ses membres désarticulés des triangles de bois qui s'enfonçaient profondément dans les chairs. A Avignon, l'accusé était était suspendu par les poignets avec un boulet attaché à chaque pied. A Vitry-Le-François, le condamné était placé sur une table, les pieds et les mains attachés par des cordes dont les extrémités s'enroulaient sur des tours fixés à chacun des bouts de la table. Par le fait de la tension des cordes, le corps s'élevait. Pour la question extraordinaire réservée aux condamnés, on ajoutait une pierre de 25 livres à chaque pied, ce qui obligeait à une tension encore plus grande pour que le corps resta tendu au-dessus de la table. A Chartres, pour les condamnés à mort, la tension du corps et de la corde devait pouvoir élever du sol un poids de 450 livres. A Montargis, l'extension se faisait les mains attachées derrière le dos, provoquant la dislocation des épaules.

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Le supplice de l'Estrapade avait aussi pour but la dislocation des membres. A Orléans, le patient était élevé de terre par les mains attachées derrière le dos ; pour la question "ordinaire", un poids de 180 livres était attaché au pied droit, et pour la question extraordinaire, ce poids était remplacé par un autre de 250 livres ; le patient était descendu en trois chutes successives à arrêts brusques. A Saint-Pierre-le-Moutier, les mains étaient attachées au-dessus de la tête mais le poids fixé aux pieds était tellement lourd qu'il arriva des accidentes mortels ; une femme eut la main arrachée. A Mâcon, le patient avait les mains liées derrière le dos et était soulevé, un poids de 60 livres attaché à ses pieds pour la question ordinaire et de 175 livres pour l'extraordinaire. A Beaugé les poids étaient plus ou moins lourds suivant la résistance du patient à s'accuser. En outre, de violentes secousses augmentaient la douleur. A Laval, la Flèche et Angers seulement l'estrapade se donnait sans poids. Dans certains Parlements, on poussait la cruauté jusqu'à suspendre les poids aux orteils seuls ; avec un bâton, on donnait parfois des coups sur la corde qui soutenait le patient : les vibrations de celle-ci augmentaient considérablement la douleur. En Normandie un tourniquet était scellé au sol de la salle de torture ; la corde qui se déroulait du tourniquet passait dans une poulie vissée à une poutre du plafond ; à son extrémité était accrochée une tenaille à mâchoires plates appelée "grésillons". Au moyen du tourniquet, l'accusé - les mains jointes derrière le dos - était lentement soulevé de terre, tenu seulement par les pouces pincés dans les "grésillons" à la hauteur de l'ongle. On descendait et détachait le patient lorsqu'il se décidait à parler ; on le remontait aussitôt s'il revenait sur sa décision.

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L'application des "brodequins" ou "escarpins" laissait estropiés ceux qui y avaient été soumis. La simplicité de l'appareil le fit surtout servir dans les endroits où la Justice opérait rarement : il se composait de quatre planchettes en bois dur, de huit coins et de cordes. L'accusé avait les jambes placées verticalement, chacune d'elles serrée entre deux planchettes ; ses deux jambes ainsi encadrées étaient fortement ligotées. Pour la question ordinaire on enfonçait entre les planchettes du milieu deux coins à la hauteur du genou et deux autres à la hauteur des chevilles ; pour la question extraordinaire, le nombre de coins était doublé. Les accusés soumis à cette torture avaient les os brisés aux jointures. Dans le Midi de la France, la torture avait un caractère plus cruel : le nombre des coins était de sept et neuf, ce qui augmentait la durée des "tourments", le patient étant interrogé après chaque coin enfoncé.

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Les redoutables souffrances causées par le feu et par la chaleur ne devaient pas manquer d'attirer l'attention de l'esprit cruel des tortionnaires ; nous retrouvons en effet, toutes une série de tortures par le feu, épouvantables et légales !

La plus simple de ces tortures consistait à farie asseoir le patient devant un grand feu de bois, dans un fauteuil dont les bras servaient à immobiliser ceux du patient ; ses jambes étaient étendues de façon à présenter à la flamme la plante des pieds appuyés sur une plaque de fer. L'accusé était "approché" du feu jusqu'à huit fois, selon ses réponses. A Autun, on employait l'huile bouillante. Le torturé, chaussé de hautes bottes en cuir spongieux, était ligotté sur un banc près d'un grand feu au-dessus duquel on faisait bouillir l'huile qui devait être versée petit à petit sur les bottes ; celles-ci s'imprégnaient d'huile qui traversait le cuir et brûlait pieds et jambes de l'accusé. La chaleur était tellement forte qu'il arriva que l'huile prit feu au-dessus des bottes. La durée de cette torture vairait de une à deux heures. Les "Mèches" étaient employées pour la question extraordinaire : on plaçait des mèches soufrées entre les doigts des mains et des pieds du patient ; on lui faisait subir un interrogatoire avant l'allumage des mèches de chaque main et de chaque pied.

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A Avignon, une torture tout à fait spéciale appelée "veille" était employée pour la question. L'accusé était placé à cheval sur un chevalet, les mains liées derrière le dos par une corde passant dans une poulie scellée au sol. Le corps reposant seulement sur le coccix, le patient s'évanouissait rapidement. Un médecin le faisait alors coucher sur un lit et lui donnait des réconfortants pour le faire revenir à lui, afin qu'il puisse être placé de nouveau sur le chevalet. On faisait alterner ainsi, durant six heures, la torture et les bons soins.

Il faut noter encore une sorte de "grésillons" qui servait à écraser les secondes phalanges des pouces de la main et du pied entre deux tiges de fer serrées par un écrou. La "Mordache" était une longue tenaille qui servait à "mordre" le genou ; cette torture était réservée aux femmes et leur était appliquée à trois reprises.

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Après la question, les accusés reconnus coupables subissaient, comme châtiment, des peines terribles : le fouet ; le chevalet, genre de "veille" ; l'ablation des oreilles, peine appliquée aux voleurs ; l'extraction des dents ; la privation d'un oeil ou des deux yeux, crevés avec un fer froid ou rougi, ou cuits devant la braise ardente, ou arrachés, peine réservée aux incendiaires, pilleurs d'églises. Les blasphémateurs avaient la langue coupée ou arrachée. Les régicides avant d'être mis à mort, avaient le poing coupé ou brûlé.

Il y eut plusieurs sortes de peines capitales. La décapitation, réservée à la noblesse, n'était pas infamante ; le condamné recevait debout le coup d'épée qui lui tranchait la tête. Les malfaiteurs étaient condamnés à la pendaison ainsi que les nobles pour crimes importants : le bourreau, suspendu par les mains en haut de la potence, accélérait la strangulation en appuyant ses pieds sur les mains liées du pendu. Les sorciers étaient brûlés ; par faveur, ils pouvaient être étranglés avant. Le supplice de la roue était réservé aux voleurs de grands chemins. Le supplicié étant préalablement attaché sur une croix de Saint-André, on lui brisait les os avec une barre de fer ; parfois il était achevé par des coups de barre sur l'estomac avant d'être exposé sur une roue montée horizontalement. L'écartèlement fut appliqué à Ravaillac et à Damiens. Ravaillac fut "condamné à subir la question extraordinaire, à être tenaillé avec des pinces aux mamelles, aux bras, aux cuisses, aux mollets ; puis avoir la main droite brûlée ; sur les plaies sera versé du plomb fondu, de l'huile de la poix et du souffre brûlants, son corps sera écartelé par quatre chevaux puis brûlé, réduit en cendres qui seront répandues au vent" - Damiens encore en vie et son corps résistant aux efforts des chevaux, a les tendons des membres coupés après deux heures de supplice.

Toutes ces descriptions d'actes de sauvagerie font vivre à nos cerveaux civilisés du vingtième siècle un cauchemar horrifié, mais ces supplices pour lesquels, de nos jours, on ne trouve plus d'épithète, n'étaient-ils pas en rapport étroit avec la mentalité de ces siècles passés, si l'on en juge par ce fait incroyable : la populace se serait ruée sur les lambeaux du cadavre de Ravaillac pour en mordre la chair !

Signé : L.A.

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G
"Toutes ces descriptions d'actes de sauvagerie font vivre à nos cerveaux civilisés du vingtième siècle un cauchemar horrifié"<br /> <br /> <br /> <br /> Des actes comparables sont commis encore aujourd'hui en Chine (contre les membres de Falun Gong) et en Corée du Nord.
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