Monsieur Carnavalet a donné son nom à un musée
Françoise de la Baume naît au milieu du XVIe siècle. Elle épouse le comte de Montrevel. Devenue veuve, elle convole avec François de Kernovenoy, comte breton, précepteur du duc d'Anjou, écuyer d'Henri IV
En 1548, Jacques des Ligneris fait construire un hôtel particulier au cœur de Paris, sur la rive droite. Trois décennies plus tard, ses héritiers le vendent à madame de Kernovenoy. À nouveau veuve — « très belle et bien aimable », selon Brantôme —, elle revend la maison en 1602. Et c'est son nom qui va rester. Les Parisiens ayant du mal à le prononcer, l'hôtel devient « Carnavalet ».
On peut rencontrer deux autres à-peu-près dans la Capitale : c'est par pudeur que la rue du Poil-au-Con est rebaptisée rue du Pélican (Ier). Le nom d'origine est dû à la présence, au XIVe siècle, des nombreuses « boutiques à péché » qui la bordent. Quant à la rue du Petit-Musc (IVe), elle s'appelait de la Pute-y-Muse.
La langue est riche de ces trouvailles, à l'à-peu-près farpaitement (sic) involontaire : à tire-1'abricot (à tire-larigot) ; le bas de laine de Proust (La madeleine) ; bomber le Corse (le torse) ; un bouc en train (boute-en-train) ; les bras de l'orfèvre (de Morphée) ; connu comme le houblon (loup blanc) ; la croix et la baleinière (la bannière) ; la cuisine de Jupiter (cuisse) ; dans sa Ford intérieure (en son for intérieur) ; découvrir le poteau rosé (pot aux roses) ; en bonnet difforme (bonne et due forme) ; en sortir idem (indemne) ; et lycée de Versailles (vice-versa) ; fier comme d'Artagnan, ou un petit banc, ou un bar-tabac (Artaban) ; je ne le connais ni des lèvres ni des dents (ni d'Eve ni d'Adam) ; ingénieur à Grenoble (agronome) ; les pieds de la dame au clebs (l'épée de Damoclès) ; pousser des cris d'orfèvre (d'orfraie) ; des quantités gastronomiques (astronomiques) ; les quenelles intestines (querelles) ; riche comme Fréjus ou les Russes (Crésus) ; rire à gorge d'employé (déployée) ; saoul comme un poulet de Loué (Polonais) ; le tonneau d'Adélaïde (des Danaïdes) ; tout part à vélo (vau-l'eau) ; vieux comme mes robes (Hérode).
Quelques personnages se glissent dans la liste : l'abbé Rézina (la Bérézina) ; lady de Nantes (l'édit de Nantes) ; le mec le plus ultra (le nec plus ultra) ; les quarante Grecs (les calendes grecques) ; Séféro, ce soldat (ces féroces soldats, de La Marseillaise).
Certaines erreurs finissent par s'installer officiellement : tomber dans les pommes (à partir de « pâmoison »)... Vache espagnole et épagneul (d'espagnol)... breton.
Les langues étrangères conduisent à d'autres à-peu-près : arrivée d'air... chaud (arrivedercî) ; gousse d'ail (good bye) ; Saint-Cloud béret basque (thank you very much) ; Saint-Cloud Ménilmuche (si l'on prononce le
much anglais à la française) ; un p'tit beurre, des touyous (Happy birthday to you !).
Deux illustrations montrent que ces dérapages ne sont pas une exclusivité tricolore :
« Eléphant and Castle » est le nom d'un quartier de Londres reconnaissable à son absence d'éléphant et de château. Il tire son nom de l'épisode du roi d'Angleterre qui devait épouser l'Infante de Castille - titre déformé par ses sujets.
« Keine fisematenten » est la grossière adaptation de « ne pas visiter ma tente ». C'était, en Bavière, la mise en garde des mères à leurs filles que les soldats de Napoléon invitaient à entrer sous leur tente ; en allemand, la formule signifie « faire des chichis ».
Extrait de "C'est beau mais c'est faux" de Patrice LOUIS, © Arléa, février 2000